André Delabrosse

Le Pont de Pacé était un village à part entière. Il ne comptait pas plus de 200 habitants mais il ne manquait rien.

André Delabrosse est né au Pont de Pacé en 1939. Issu d’une lignée de restaurateurs renommés, installés à l’Hôtel-restaurant Delabrosse, il a passé toute son enfance et son adolescence au Pont de Pacé. Il en a conservé des souvenirs intacts et riches, à l’image de l’ambiance vivante et éclectique qui y régnait jusqu’aux années 60. 

Quelle était la particularité de l’hôtel-restaurant Delabrosse ?

C’était une affaire familiale. Quand nous l’avons repris avec mon épouse en 1967, nous étions la 4ème génération de restaurateurs. Spécialisés dans la cuisine gastronomique traditionnelle, nous avons aussi fait hôtel pendant un temps, café, tabac et même cabine téléphonique. Sa réputation n’a fait que monter en puissance au fil des générations. C’était l’affaire du coin et d’ailleurs, à l’époque de mes parents, les clients disaient quand ils venaient manger chez nous qu’ils allaient  » à l’Hôtel « . Ça voulait dire beaucoup…

Quels souvenirs gardez-vous du restaurant enfant ?

Pendant l’Occupation, mes grands-parents organisaient quand même des mariages dans une salle en bois. A cause du couvre-feu, les invités étaient obligés de rester à la noce jusqu’au lever du jour. Certains dormaient sur des chaises tandis que les musiciens continuaient à jouer d’instinct tout en luttant contre le sommeil. Un jour, les allemands se sont installés dans tout l’hôtel et ont refoulé mes parents dans une chambre au fond du couloir. Ça leur avait fait un choc. Ils l’ont occupé jusqu’à la Libération.

A quoi ressemblait le Pont de Pacé à cette époque ?

Le Pont de Pacé était un village à part entière. Il ne comptait pas plus de 200 habitants mais il ne manquait rien. Curieux de tout, j’ai vécu ici une période formidable. Le lundi était le jour où il y avait le plus de mouvements. Les charrettes et les chevaux étaient partout. Jusqu’au début des années 60, il y avait 8 cafés, 4 de chaque côté du pont, et chacun avait une voire deux autres activités. En plus d’un docteur et d’une dentiste, on pouvait donc y trouver un marchand de vélo, un charron, un bouilleur de cru, un coiffeur, un cordonnier, un maréchal-ferrant, etc.

Qu’est-ce qui vous plaisait dans cette ambiance ?

C’était assez folklorique. Pendant que les cultivateurs apportaient du grain au moulin et repartaient avec de la farine pour faire leur pain, d’autres amenaient dans leur coffre de voiture cochons et petits veaux à la boucherie. L’hiver, les gens jouaient aux palets dans les cafés, il fallait donc faire attention en entrant pour éviter d’en recevoir un ! Quant au marchand de vélos, il était un peu farfelu : quand vous veniez récupérer votre vélo réparé, il manquait toujours quelque chose parce qu’il prenait sur l’un pour réparer sur l’autre. Je me rappelle aussi un spectacle assez brutal : la fille du vétérinaire venait chaque semaine chez le forgeron pour arracher des dents aux chevaux. Imaginez les pinces qu’il fallait ! Ou bien elle leur coupait la queue pour récupérer le crin, puis la cautérisait au fer rouge. La fumée et l’odeur du fer rouge sur la corne du cheval m’ont énormément marqué. Plus tard, le bouilleur de cru a disparu, le moulin a laissé la place à une usine de plastique et le bourrelier est devenu une boîte de nuit. Après la disparition de ces commerces, le Pont de Pacé a surtout accueilli des restaurants.

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